Le terme d’impuissance acquise provient des recherches de Martin Seligman, psychologue américain qui a largement contribué à l’émergence de la psychologie positive dans la seconde moitié du XXe siècle. Ce terme désigne un sentiment d’impuissance générale de la part d’un individu par rapport à ce qu’il vit au quotidien, entrainant une absence d’espoir, voire une absence aussi de désespoir. Cette théorie a largement été reprise et complétée par d’autres théoriciens au fil des années.
Dans son expérience avec Maier, des chiens exposés à des chocs électriques, au caractère inévitable, présentent des comportements de plus en plus passifs.
Le protocole consistait d’abord à installer des chiens dans une cage, de laquelle ils ne pouvaient en aucun cas échapper aux chocs électriques. Vingt-quatre heures plus tard, les chiens ont été remis dans une cage similaire, dans laquelle ils pouvaient cette fois échapper à ces chocs (juste en sautant un petit muret). Mais les scientifiques observèrent que les chiens ne tentaient même pas d’y échapper. Ils ont simplement adopté un langage corporel prostré. A contrario, dans le groupe contrôle, les chiens apprenaient rapidement comment éviter ces chocs et reproduisaient ce comportement de fuite et d’évitement, ce qui est naturel chez un chien. Les scientifiques en conclurent que les individus du premier groupe auraient appris qu’aucune de leur réponse comportementale ne fonctionne. Ils ont donc arrêté d’en proposer, et se résignent. Ce caractère inévitable, l’absence de contrôle de l’individu qui subit, est appelé “incontrôlabilité”.
Répétée, cette “attente d’impuissance” est plus susceptible de se généraliser à de nouvelles situations, et produire 3 types de troubles selon Seligman :
On retrouvera ces troubles possibles chez l’humain, après avoir été étudiés aussi chez le chat, le rat, et d’autres espèces encore. Seligman ne tardera pas à faire le lien entre l’impuissance acquise et la dépression, une dépression de type réactive (à la suite d’un traumatisme).
Le parallèle avec l’éducation canine est immédiat. Si vous proposez toujours une réaction coercitive inévitable à un animal, il pourra finir par abandonner, à faire mécaniquement les actions demandées, sans aucun libre-arbitre, ce qui menacera à terme sa santé psychologique et physique.
Mais alors, comment différencier l’impuissance acquise de l’obéissance pure ? On le verra très nettement dans l’attitude du chien au global. Un chien qui ne prend pas ou peu d’initiatives, montre peu de sources de motivations, au langage corporel souvent prostré, en retrait, parfois même figé, qu’on trouvera peu expressif … sera assez facile à distinguer du chien qui semble obéir “au doigt et à l’oeil “ dans certains contextes précis, tout en pouvant s’exprimer librement dans d’autres moments dédiés.
L’immersion face à un stimuli qui terrifie le chien suit la même logique. Si votre chien a peur des humains et que je l’emmène au marché bondé tous les samedis matin, sans sans qu'il puisse s'échapper, il devra confronter sa peur à niveau si intense qu’il pourra en être traumatisé. Ce degré de peur est largement assimilable à des décharges, au sens trauma. Face à cela, 2 issues probables : un chien qui s'éteint en impuissance acquise, ou d'autres symptômes de mal-être de plus en plus gênants pour l'humain (en plus du chien).
D’un autre côté, nous nous devons de mentionner que l’immersion peut “marcher”, mais plutôt chez l’humain. La différence majeure entre l’humain et le chien réside tout de même dans une notion fondamentale : le consentement. Chez le chien, l’expérience lui est imposée, on ne peut pas lui expliquer le principe, et il ne peut pas refuser. Chez l’humain, on va avoir a posteriori un cheminement de type “d’accord, j’ai affronté ma peur au niveau maximal, j’ai survécu, c’est donc que ce n’est pas si terrible”. L’humain est conscient de ses émotions et de ces pensées. Rien ne prouve que les chiens sont capables d’un tel cheminement cognitif. Ils ne vont rien nous répondre à “Alors, comment cette expérience s’est passée pour vous ? Que pouvez-vous en conclure ?”. On ne peut pas vérifier que le chien rationalise l’expérience.
Un chien qui ne réagit plus est-il pour autant un chien soulagé ? S’il peut se retrouver en impuissance acquise, ou que sa peur est encore plus forte, car elle s’ancre un peu plus dans le cerveau (notamment dans l’amygdale), et que donc on va juste empirer le problème, le risque ne doit pas être pris.
Peur des humains, peur des chiens, peur des bruits, peur de la solitude … La logique est la même. Si on revient à l’anxiété de séparation, pour les chiens qui paniquent totalement pendant plusieurs heures en l’absence de leur humain, jusqu’à brusquement ne plus présenter aucun comportement “évident” de mal-être (pour les non initiés), pour ces chiens qui arrêtent d’hurler à la mort, qui arrêtent de râcler les murs, alors que leur humain n’est pas rentré et que rien n’explique cet arrêt brusque … La première urgence sera de vérifier que le chien ne risque pas de tomber dans l’impuissance acquise. C’est le premier risque au fait de penser que “ça va passer tout seul”. Cette pensée optimiste est néfaste lorsque l’on est face à un chien phobique ou anxieux, même si bien entendu, elle ne l’est souvent pas volontairement. Seul un professionnel (à jour dans ses connaissances) pourra analyser cela en trinôme avec vous… et une bonne caméra.
Les chiens ne sont pas les seuls. Nous mentionnerons également le triste parallèle avec le monde de l’équitation, où les besoins éthologiques du cheval sont souvent ignorés et où la maltraitance est de temps à autre mise en évidence. On peut retrouver aussi cela dans le monde du “divertissement” avec les animaux sauvages. Tous les professionnels de ces domaines ne sont bien sûr pas à mettre dans le même panier, je ne m’étendrai pas plus là-dessus, ce sont de malheureux exemples parmi tant d’autres.
Parlons désormais solutions ! Plusieurs mesures vous permettront de l'éviter :
Peu de gens se lèvent le matin en s’écriant “et si je faisais du mal à mon chien aujourd’hui ?” ;) Les personnes qui ont à cœur d’œuvrer pour le bien être de leur animal méritent de mieux connaitre le concept d’impuissance acquise. J’espère que c’est chose faite désormais, et vous pouvez me contacter pour en savoir plus.
Sources :